L’indemnisation pour délais de justice déraisonnables se développe fortement, nourrie évidemment par la difficulté du service public de la justice à traiter les litiges qui lui sont soumis dans un laps de temps acceptable.

L’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme prévoit que : »Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable… » 

Cette convention a été ratifiée par l’Etat français il y plusieurs décennies.

Progressivement, un lien a été établi par la jurisprudence et la loi entre déni de justice et délais déraisonnables, au sens où statuer tard équivaut parfois  à ne pas statuer.

L’article L.111-3 du Code de l’organisation judiciaire précise que « Les décisions de justice sont rendues dans un délai raisonnable ».

L’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose quant à lui : « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. 

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».

L’article L. 141-3 du Code de l’organisation judiciaire précise que :

« Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées.

L’Etat est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers ».

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé que :

« constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».

Un justiciable qui a subi un délai déraisonnable peut donc engager la responsabilité de l’Etat pour faute lourde et demander l’indemnisation de son préjudice.

Le juge examine alors la situation étape par étape et prend notamment en compte la complexité du dossier ou l’attitude des parties (renvoi volontaire à une autre audience…)

La jurisprudence a progressivement dégagé des délais raisonnables étape par étape, c’est en particulier le cas en matière de droit social.

Ainsi peuvent constituer un délai déraisonnable susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat en raison d’un déni de justice, les délais suivants :

• Un délai supérieur à 3 mois entre la saisine du Conseil de Prud’hommes et la Convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation ;
• Un délai supérieur à 6 mois entre l’audience devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation et l’audience devant le Bureau de Jugement ;
• Un délai supérieur à 6 mois entre deux Bureaux de Jugement en cas de renvoi à l’initiative des parties (si la demande de renvoi est à l’initiative de la juridiction, tout délai de renvoi est considéré comme déraisonnable) ;
• Un délai supérieur à 6 mois entre une audience devant le Bureau de Jugement et une audience en départage ;
• Un délai supérieur à 2 mois entre l’audience de plaidoirie et le prononcé du délibéré ;
• Un délai supérieur à 6 mois entre la déclaration d’appel et l’audience de plaidoirie ;
• Un délai supérieur à 3 mois pour la rédaction d’un arrêt rendu par la Cour d’appel
• Un délai supérieur à 1 an pour une procédure devant la Cour de cassation
• Un délai supérieur à 1 mois pour la notification d’une décision

 

Progressivement, un barème a été adopté pour le droit social : 150  à 200 euros d’indemnisation par mois de retard. Il n’est pas rare que des justiciables obtiennent ainsi davantage via les délais déraisonnables que via la procédure prudhommale initiale, surtout quand ils ont perdu !

En effet l’indemnisation fonctionne même si vous avez perdu. 

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